Amsterdam, l’australienne

C’était un drôle de jour, enfin, un mauvais jour s’il peut y en avoir, de ceux dont on sait qu’ils seront stériles car inféodés à la loi des deux chiffres.

Je n’attendais rien, sinon…
Bref, je repars de ce building hi-tech, direction l’aéroport d’Amsterdam, Schipol je crois, imprononçable pour un latin.

J’étais très largement à l’heure, plus d’une heure d’avance, j’en profite pour me connecter en wifi, j’adore cette idée d’être connecté, hop! Comme çà, dans un lieu imprévu, et miracle çà marche.

Petit message, au passage.

Puis, maaaaaaahaaa! Mais je vais être juste là maintenant!

Je file à la porte C7, Pfffffffffffffffff!!! une queue à l’embarquement, j’ai horreur d’attendre, surtout de faire la queue, surtout seul …

Mais, c’est pas mon vol !!!

Keskece KseBinz!!!

Mon vol est annoncé avec, attends je relis, avec 1h10Mn de retard !!! Mais c’est que demain, je déménage mon fiston et que j’ai loué, réservé l’agence etc… Mais là, çà va pas du tout!!!

Je vais les scrogneugneu… Le premier qui rit, je l’emmène de force assurer mon déménagement de forçat.

Pfffffffffffffff!!!! Mais c’est pas possible quand même! Je viens en Thalys, l’esprit tranquille et je repars en avion pour être de retour en terre bretonne le soir même, et voilà que par je ne sais quel mystère, l’avion part déjà avec plus d’une heure de retard, ma correspondance à CDG, mieux vaut l’oublier, Grrrrrrrrrrrrr!

Je peste, je fulmine, je tempête, si tu squattes là-haut, tu dois être en état de cuisson avancée!

Je vais au bar, je me reconnecte (Vi, et je fais mes courriels).

Ah! la file se reforme…

Mais c’est pas une heure de retard, c’est carrément deux heures maintenant!

Là, si t’as pas mis le sifflet, la cocotte minute va prendre la trajectoire d’une fusée plus sûrement qu’un vol Amsterdam-Paris.

Bon, je m’asseois, place 21C, côté couloir. Un couple de jeunes gens s’installent sur les deux sièges attenants, charmant couple décontracté! A eux deux ils n’ont pas mon âge, enfin, si qd même mais je suis sûr qu’il s’en faudrait de peu, c’est dire…
Elle s’est assise juste à côté de moi, un air de vacances détendu! Elle a un décolleté, Maaaa! Avec un collier pendentif qui vient se loger exactement là où le regard des hommes plongent inévitablement !
Elle parle anglais, je noue la conversation, elle est Australienne, charmante, et nous conversons futilement de choses et d’autres. Je lui fais part de la magie du survol des polders et de la digue qui protège de la mer, comme une cuvette remplie à ras bord.

Je lui indique le moment où nous survolons ce bout de terre irréel quand je vois par le hublot un spectacle incroyable.

Oublié le retard de deux heures, je discute avec une jolie jeune fille et dehors, c’est trop beau.
Je suis sûr qu’avec ton APN t’aurais pris des plus jolies photos qui soient !

Le paysage est extraterrestre, indescriptible tellement il est fabuleux, hors du temps. Je ne sais pas si les mots existent pour te montrer ce que je vois !

La mer est sous mes yeux, l’avion légèrement cabré, ce qui donne à la mer un air vertical, et là au lieu d’un bleu azur ou d’un vert marin, la mer est soleil !!!

C’est tout simplement incroyable, la mer est jaune argenté! Une mer de sable, non c’est trop clair. Attends, un volcan, oui, une lave en fusion qui a commencé à refroidir, c’est tout simplement beau.

Genre un tableau de Couarraze pour la texture, je ne suis pas un fin spécialiste de l’art pictural, mais je suis sûr qu’un peintre a déjà du porter cette couleur bronze sur la toile.

Je suis sans voix, le jeune fille regarde avec moi, elle est encore trop jeune pour apprécier la beauté des choses.

Sur cette mer incendiaire, quelques bateaux se découpent en ombres chinoises, le ciel est gris sombre, couleur d’orage, et il filtre quelques rayons rasant de soleil couchant.

Ce soir la mer est couleur bronze doré, et sans ce fichu retard, je ne l’aurai jamais vu.

La vie est mal faite, c’est pour çà qu’elle est belle !

Un petit bout de bonheur simple, tu étais là.

couarraze

 

Couarraze / L’envol des mots

Trois lettres

saintongeIl m’a lâché au milieu de la conversation comme quand tu parles de la pluie et du beau temps, SEP, en trois lettres*.

Trois lettres empreintes de gravité, tellement…J’ai poursuivi la conversation avec légèreté mais une légèreté sombre.

Il a ajouté toujours comme tu parles du beau temps et de la pluie: «j’ai rencontré Charles, je lui ai dit que tu étais mon meilleur copain.»

Cela fait plus de 4 mois que je ne l’avais pas eu au téléphone…

J’étais là, en deux phrases il m’avait mis bien plus haut que je ne suis.

P…. de lettres !!!

*Sclérose en plaque

 

Le Lirou grignoteur de souvenirs bleus

C’était un dimanche matin du mois de Juin, il faisait déjà chaud.

Dans la maison natale, je vais exhumer quelques souvenirs secrets abrités sagement dans une boite en carton, genre carton de déménagement, étiquetée à mon prénom. Je prends le carton aussitôt, et presque fébrilement, je défais la bande adhésive qui offre peu de résistance, et j’ouvre les volets de la boîte en carton dans un nuage de poussière!!!

L’oeil avide, je jette un oeil (vi, ben comment tu veux dire!), je jette un oeil et je me recule tout aussitôt, médusé! Un animal squatte mon carton, douillettement installé dans un nid de confetis produits sur place. C’est un loir ou un lérot! Finalement, aussi surpris que moi, passé la phase d’éblouissement du jour ensoleillé, il ne demande pas son reste et file hors de ma boite!

La première chose que je vois, c’est mon carnet de tables logarithmiques jaune, un souvenir de seconde rendu complètement inutile avec l’ère des calculatrices (Vi, je sais, t’as pas connu cette époque sans calculatrice avec règle à calcul et tables de logarithmes, moi à peine, puisque la même année la calculatrice était promue au rang d’outil pédagogique acceptable et que la règle à calcul et le carnet de tables n’auront servi que le temps d’un tp).

Tout d’abord je souris, je suis amusé, cet animal inoffensif, réputé gros dormeur, surtout l’hiver, squattant ma boite de souvenirs entassés confère à la situation un air cocasse.

Et puis je commence le travail d’archéologie, prenant un à un les reliques du festin du diable d’animal… Et peuchère, çà fait des années qu’il squatte l’hôtel abandonné le coquin. Ce n’est pas un nid de confetis, mais carrément une usine à confetis! Et çà ne me fait plus rire du tout. Il y a là, entassés, des milliers de souvenirs d’enfance et d’adolescence réunis qui, avant l’ouverture, faisait naître une excitation certaine à retrouver ces odeurs oubliées, et puis maintenant, une amertume non dissimulée!
Je dépose alentour du carton, sous un soleil éclatant les lambeaux que le gredin a bien voulu laisser. Ma petite boite à secret que j’avais recouverte d’un papier décoré (un décor qui me fait sourire, enfin, qui me fait sourire jaune quand je vois les dégâts que le lirou a occasionné!)
Vu les momies que j’ai retrouvées dans ce carton, cela doit faire plus de dix ans que mon carton a été colonisé…

J’étale, j’étale, je feuillette, et je suis abattu, dans un état d’hébétude inhabité, comme si celui qui regardait l’état du désastre n’était pas moi. Je ne réalise pas vraiment, je viens de perdre des milliers de souvenirs en quelques secondes, passant d’un état d’HyperNeuroMemoTruc à celui d’abattement sans motif.

Je suis là sans être là, seul le soleil qui monte me rappelle que la vie continue et mon cerveau fait des confetis, d’où l’expression bien connue, broyer du papier.

Je suis resté vide jusqu’au soir.lirou