C’est un magnifique aqueduc romain qui file à travers la plaine.
Il est dans un état de conservation plus que surprenant, quasi intact. Sa couleur surprend aussi, grise uniforme, comme si quelqu’un ou les ans l’avait patiné en gris.
Il file comme un fil tendu dans la plaine, à mon avis, il doit joindre Orléans à Paris à moins que ce ne soit l’inverse. Oui, ce doit être l’inverse car on dit monter à Paris, si çà monte vers Paris, c’est que l’eau descend. Ce qui me surprend, dans l’architecture, c’est d’une part sa hauteur, j’avais à l’esprit des édifices romains pas très hauts pour les aqueducs, à mon avis, le Caïus Bonus d’ici avait de grandes idées, ah! Et puis aussi, la distance entre pilier, particulièrement importante.
Le train m’emmène, et l’aqueduc dessine sur la plaine avec l’horizon comme le bas d’un feston de rideau ajouré, ou le haut, et toujours en gris.
Ici, l’aqueduc se transforme en bannière publicitaire. Incroyable, des inscriptions au kilomètre sur des kilomètres!
Du « Libérer José Bové » en passant par « Non au nucléaire, oui à l’énergie propre», « Stopper les délocalisations de notre usine LaBelleCampagne » Dans l’ensemble, c’est surtout le « non » qui l’emporte… « Non à la construction d’une prison dans MaBelleVille » etc…
Parfois, une inscription qui tranche avec les revendications, « Je t’aime, oui », ou encore « j’aime la vie en bleu ». Toutes ces inscriptions à la peinture blanche, dans une écriture très stéréotypée en caractères majuscules d’imprimerie, défilent, défilent. Depuis mon wagon, c’est un peu comme une guirlande de publicité, celle que l’on voit dans les matchs à la télévision lors de la retransmission des matchs de foot, une sorte de ruban ininterrompu, mais en monochrome blanc sur gris, infini.
« Non aux cultures OGM »… Je vais pas te faire toute la lecture, c’est sans fin. Une dernière! « Sarko, roi du show, tout pour le biz, rien pour toi » Quelques tags, mais peu, l’ouvrage tisse sa mémoire un peu trop loin des villes.
Mais !!!
C’est fou. L’aqueduc a été brisé net, en pleine campagne. Tu devineras jamais! Brisé net sur une centaine de mètres, comme un coup d’arrêt à la hache. Non, ce n’est pas le vestige d’un bombardement égaré de la dernière guerre, c’est uniquement pour laisser passer une autoroute. Un ouvrage plus que millénaire détruit… pour un ouvrage quelconque… Ils ont osé.
Autour de l’ouvrage, les premiers labours, la plaine toujours.
« Bertin quel gâchis ! »
Je lis distraitement.
Blanc délavé toujours sur un gris uniforme.
C’était le rail en béton de l’aérotrain de Bertin, l’ingénieur obstiné ayant conçu un train sur coussin d’air.
Crédit photo : KosmoGraddotNet