Pour donner une suite à quelques digressions
Bouché à l’émeri
Extrait du site : L’expression
à l’émeri donc sans « e » final.
[ EXPRESSION ]
« Etre bouché à l’émeri »
[ SIGNIFICATION ]
Être idiot, obtus, borné.
Être incapable de comprendre.
[ ORIGINE ]
Tout le monde connaît (ou devrait connaître) la toile émeri, qu’il ne faut pas confondre avec le papier de verre (Lien externe).
L’émeri est un matériau très dur qui sert d’abrasif depuis de nombreux siècles, le genre de produit avec lequel il est plutôt déconseillé de nettoyer son écran[1].
L’émeri n’est en aucun cas un produit de bouchage, comme le plâtre ou le liège, par exemple.
Alors pourquoi dit-on bouché à l’émeri ?
Autrefois, pour qu’un récipient, flacon ou fiole en verre soit bouché de la manière la plus étanche possible, on polissait à l’émeri l’extérieur du bouchon et l’intérieur du goulot, pour que le contact entre les deux soit le plus parfait possible.
Une fois qu’on sait cela, on est un peu plus à même de comprendre la métaphore de notre expression.
Quand, en argot, on dit de quelqu’un qu’il est ‘bouché’, c’est non seulement pour dire que la nature ne l’a pas trop gâté sur le plan intellectuel, mais aussi pour signifier qu’il est complètement hermétique, au sens où aucune once d’intelligence ne peut y entrer, où il est quasiment impossible de lui faire comprendre quelque chose.
Hermétique ? Etanche ? Vous venez de comprendre ! Le bouché à l’émeri est comparable à ce récipient étanche duquel rien ne peut sortir mais dans lequel rien ne peut rentrer non plus.
Le terme argotique ‘bouché’ tout seul date du XVIIIe siècle (mais on disait déjà « un esprit bouché » au XVIIe). La variante avec l’émeri est apparue au début du XXe.
[1] Une preuve indéniable, c’est qu’aucun hiéroglyphe ne nous montre un égyptien de l’Antiquité en train d’utiliser de l’émeri sur son écran. Et pourtant, les sculpteurs de cette époque l’utilisaient déjà pour polir l’obsidienne, entre autres.
Et puis aussi, la suite, Rester comme deux ronds de flan
Donc flan, sans « c »
Extrait du site : L’expression
[ EXPRESSION ]
« En rester comme deux ronds de flan »
[ SIGNIFICATION ]
Être stupéfait, ébahi.
[ ORIGINE ]
Connaissez-vous le gobage de Flanby® ? Si non, sachez que c’est un sport de haut niveau qui mériterait de devenir une épreuve des jeux olympiques. Je vous laisse donc d’abord aller vous renseigner là : Lien externe, ainsi que sur les pages annexes.
Ca y est, vous êtes de retour ! Vous savez donc maintenant qu’une fois le Flanby® bien gobé, il ne doit laisser dans l’assiette qu’une simple trace qu’on peut appeler un « rond de flan ».
Et deux ronds de flan côte à côte, cela peut se comparer à deux yeux complètement écarquillés par une surprise intense.
Ce qui nous permettrait de retomber sur nos pattes si cette expression était bien liée au flan, ce dont ne semblent pas convaincus Alain Rey et Sophie Chantreau les seuls à l’aborder.
Elle est relativement récente puisque citée par Esnault en 1901.
Mais à part ça, son origine n’est pas claire du tout pour ces deux auteurs.
Une première explication viendrait d’un mot du XVIe siècle, ‘flaon’ ou ‘flan’ qui signifiait ‘monnaie’ ou ‘denier’.
Tout comme on frappe une monnaie, on peut être frappé de stupeur. On aurait donc ici un jeu de mots utilisant le double sens de ‘frapper’ (ce qui se dit ‘polysémie’, en termes académiques), les deux ronds de la monnaie correspondant aux yeux grands ouverts d’étonnement.
Mais l’écart de date, le mot n’étant plus du tout utilisé à la fin du XIXe siècle ou début du XXe, laisse planer un doute certain.
En typographie depuis la fin du XIXe siècle, le flan est un morceau de carton recouvert d’un enduit épais, destiné à recevoir en creux l’empreinte d’une composition et nécessaire pour fabriquer le cliché qui sert ensuite à la reproduction du livre.
Une autre hypothèse part de ce flan-là, mais sans expliquer vraiment pourquoi rond et pourquoi deux.
Une dernière hypothèse assez capillotractée viendrait de la perte du ‘c’ de ‘flanc’. Les ‘deux ronds de flanc’ seraient alors les fesses. Celui qui serait ébahi serait alors ‘sur le cul’.
De quoi en être stupéfactionné, non ?