Hyperborée

Je me suis déchaussé à l’entrée du temple.

Passé la première porte, je me retrouve dans un patio qui ressemble plus à un morceau du Bronx qu’à un lieu de prière.

Le dallage de schistes noirs atteint des températures hyperboréennes. Oui, j’informe simplement mon cerveau que je marche sur de la glace, je ne suis pas sûr de l’avoir leurré complètement, mais avec les 38° extérieur, je n’avais d’autre choix pour parvenir à traverser cet espace incandescent, marchant d’un pas incrédule derrière mes compagnons au pas souple et sûr!

Sans le savoir, je suis simplement entré dans un lieu de prière du Dieu protecteur, quelques paroles du prêtre des lieux, quelques échanges brefs auxquels je ne comprends rien, et je sors médusé, un collier de jasmin au poignet.

A la sortie, après m’être rechaussé, mes compagnons m’indiquent que je dois le porter toute la journée durant pour que son effet protecteur se réalise. Je crois bien que j’ai dormi avec 🙂

Ma main est ta main

lle le regarda bien dans les yeux. Puis elle baissa le regard sur la première page de la lettre, papier de riz, encre noire.
– Mon seigneur bien-aimé,
Dit-elle
-n’aie pas peur, ne bouge pas, garde le silence, personne ne nous verra.
Reste ainsi, je veux te regarder, je t’ai tellement regardé, mais tu n’étais pas pour moi, et à présent tu es pour moi, ne t’approche pas, je t’en prie, reste comme tu es, nous avons une nuit pour nous seuls, et je veux te regarder, jamais je ne t’ai vu ainsi, ton corps pour moi, ta peau, ferme les yeux, et caresse-toi, je t’en prie,
dit Madame Blanche, Hervé Joncour écoutait
n’ouvre pas les yeux, si tu le peux, et caresse-toi, tes mains sont si belles, j’ai rêvé d’elles tant de fois que je veux les voir maintenant, j’aime les voir ainsi, sur ta peau, continue je t’en prie, n’ouvre pas les yeux, je suis là, personne ne peut nous voir et je suis près de toi, caresse-toi mon bien-aimé seigneur, caresse ton sexe, je t’en prie, tout doucement,
elle s’arrêta, Continuez, je vous en prie, dit-il,
elle est belle, ta main sur ton sexe, ne t’arrête pas, j’aime la regarder et te regarder, mon bien-aimé seigneur, n’ouvre pas les yeux, pas encore, tu ne dois pas avoir peur, je suis près de toi, m’entends-tu ?je suis là, à te frôler, c’est de la soie, la sens-tu ? c’est la soie de ma robe, n’ouvre pas les yeux et tu auras ma peau,
dit-elle, lisant doucement, avec la voix d’une femme-enfant,
tu auras mes lèvres, quand je te toucherai pour la première fois ce sera avec mes lèvres, tu ne sauras pas où, à un certain moment tu sentiras la chaleur de mes lèvres, sur toi, tu ne sauras pas où si tu n’ouvres pas les yeux, ne les ouvre pas, tu sentiras ma bouche, tu ne sauras pas où, tout à coup,
il écoutait, immobile, de la pochette de son complet gris dépassait un mouchoir blanc, immaculé,
ce sera peut-être dans tes yeux, j’appuierai ma bouche sur tes paupières et sur tes cils, tu sentiras la chaleur pénétrer à l’intérieur de ta tête, et mes lèvres dans tes yeux, dedans, ou bien ce sera sur ton sexe, j’appuierai mes lèvres, là, et je les entrouvrirai en descendant peu à peu,
dit-elle, et sa tête était penchée sur les feuilles, et elle effleurait son cou du bout des doigts, lentement,
je laisserai ton sexe ouvrir ma bouche, pénétrer entre mes lèvres, presser contre ma langue, ma salive descendra le long de ta peau jusque dans ta main, mon baiser et ta main, l’un et l’autre mêlés, sur ton sexe,
il écoutait, il tenait son regard fixé sur un cadre d’argent, vide, accroché au mur,
et puis à la fin je baiserai ton coeur parce que je te veux, je mordrai la peau qui bat sur ton cœur parce que je te veux, et quand j’aurai ton coeur sous mes lèvres tu seras à moi, vraiment, avec ma bouche dans ton coeur tu seras à moi, pour toujours, si tu ne me crois pas alors ouvre les yeux mon bien-aimé seigneur et regarde-moi, je suis là, quelqu’un pourra-t-il jamais effacer cet instant, mon corps que la soie ne recouvre plus, tes mains qui le touchent, tes yeux qui le regardent,
dit-elle, et elle s’était penchée vers la lampe, la lumière éclairait les feuilles et passait à travers sa robe transparente,
tes doigts dans mon sexe, ta langue sur mes lèvres, toi qui glisses sous moi, et prends mes hanches, et me soulèves, et me laisses glisser sur ton sexe, doucement, quelqu’un pourrait-il effacer cela, toi qui en moi lentement bouges, tes mains sur mon visage, tes doigts dans ma bouche, le plaisir dans tes yeux, ta voix, tu bouges lentement et cela me fait presque mal, mon plaisir, ma voix,
il écoutait, il se tourna à un moment pour la regarder, la vit, voulut baisser les yeux mais ne le put,
mon corps sur le tien, ton dos qui me soulève, tes bras qui ne me laissent pas partir, les coups à l’intérieur de moi, la violence et la douceur, je vois tes yeux chercher les miens, ils veulent savoir jusqu’où me faire mal, jusqu’où tu veux, mon bien-aimé seigneur, il n’y a pas de fin, cela ne peut finir, ne le vois-tu pas ? personne jamais ne pourra effacer cet instant, pour toujours tu lanceras ta tête en arrière, en criant, pour toujours je fermerai les yeux, laissant mes larmes se détacher de mes cils, ma voix dans la tienne, ta violence à me tenir serrée, il n’y a plus de temps pour fuir ni de force pour résister, cet instant-là devait être, cet instant est, crois-moi, mon bien-aimé seigneur, et cet instant sera, maintenant et à jamais, il sera, jusqu’à la fin,
dit-elle, dans un filet de voix, puis elle s’arrêta.
Il n’y avait pas d’autres signes, sur la feuille qu’elle tenait à la main : la dernière. Mais quand elle la retourna pour la poser, elle vit au verso quelques signes encore, soigneusement alignés, encre noire au centre de la page blanche. Elle leva le regard sur Hervé Joncour. Ses yeux la fixaient, et elle comprit que c’étaient des yeux magnifiques. Elle regarda à nouveau la feuille.
– Nous ne nous verrons plus, mon seigneur.
Dit-elle.
– Ce qui était pour nous, nous l’avons fait, et vous le savez. Croyez-moi: nous l’avons fait pour toujours. Gardez votre vie à l’abri de moi. Et n’hésitez pas un instant, si c’est utile à votre bonheur, à oublier cette femme qui à présent vous dit, sans regret, adieu.
Elle continua quelques instants à regarder la feuille, puis la posa sur les autres, à côté d’elle.

Extrait: « Soie » de Alessandro Baricco

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Oregon et tilleul

Hier soir, soirée musicale en plein air.

Les musiciens sont dans la cour et les chaises disposées en arc de cercle entre les parterre de fleurs.

D’abord un Brass Band, de belles mélodies…
Oregon, Down by the salley gardens, un air traditionnel juif (Grrr, j’ai oublié le titre)

Le soleil n’est pas encore couché, presque une atmosphère du Sud, un privilège que de s’installer dehors en plein air.

Puis l’orchestre junior. Le vent du crépuscule se lève et ramène toutes sorte d’effluves, un mélange de notes de tilleul et de rose. La musique en écho !
Des musiques de film, Ennio, Nino et pour finir la marche de St Petersbourg dirigée par un chef d’orchestre en herbe haut comme trois pommes.
Les hirondelles vives lui prenaient la main, en virevolte incessante…

Délicieux, le soleil s’est couché côté Ouest derrière le tilleul, il est tard et il faut déjà rentré.