Les joutes de mon chat

lune

 

Premier aurore après les vacances. Oui, les vacances sont finies. Il doit être 3h30 (non, je me suis levé tôt mais pas à ce point). Il doit être 3h30 au soleil. D’ailleurs, c’est çà la première surprise, il fait encore nuit, seules les étoiles caressent encore l’horizon, et la lune qui a fait la fête toute la nuit s’est décrochée de son piton. Je te jure, le croissant est à l’horizontal, comme une coque de bateau. Il ne manque qu’un Pierrot.
Comment ??? Mais si, je suis tout à fait lucide malgré l’heure matinale.
Pffffffffffff !!! t’as pas assez dormi.
Bon, t’as raison, j’ai pas bien dormi. Mon chat a fait la bagarre toute la nuit, il m’a réveillé par trois fois dans ses joutes félines avec les matous du voisinage (tiens, les joutes sens dessus dessous lol 😉 )
Ah ! Tiens mais j’y pense, là maintenant.
C’est mon chat cette nuit dans la bagarre nocturne qui a décroché la lune pour lui donner cet air de coque de bateau qui vogue dans les cieux. Tu sais les chats sont joueurs et fripons, à tout âge !
Il ne manque qu’une voile et un souffle pour voyager jusqu’à toi.
Alors je souffle, pour donner un peu d’élan, la lune oscille autour de son axe, dans un mouvement de culbuto, l’air ravi de se savoir regardée sous un autre jour.
Le jour artificiel de la ville a effacé le ciel.
Je m’engouffre dans la gare, il y a une foule ce matin, un groupe d’ados bruyants qui m’a confisqué le hall tout entier.
Je passe sous le tunnel, voie 4.
La lune s’est envolée, poussée par mon souffle, l’aurore rosé découpe l’horizon métallique dans un contraste de sombre et de jaune églantine.

Le début d’une belle journée dans un bonheur de lune renversée, comme suspendue à un fil, la lune qui se balance sous les coups de patte taquins de mon chat insomniaque.

 

20 minutes

20mn

 

20 minutes, c’est l’annonce qui vient d’être faite*..

Non, ce n’est pas le titre du gratuit distribué chaque matin aux bouches de métro, non, c’est la durée, 20 minutes…

J’entre donc, la pénombre se glisse, enfin à peine, le soleil a disparu, seuls restent les néons qui distillent une lumière sans âme.
Je me suis recroquevillé au fond de mon siège, la tête appuyée contre la vitre devenue sombre et je me suis endormi comme un bébé.
Je suis un bébé de la mère nourricière, au beau milieu de ce ventre bleu et rond, rond comme une orange bleue. Les bruits alentours se font sourds, comme un roulis répétitif, ploum ploum… ploum ploum…ploum ploum…

Ce n’est pas vraiment un battement de coeur, mais çà doit y ressembler, en tout cas, c’est un tempo qui rythme la traversée.

Oui, c’est sûr, cette vie embryonnaire n’est qu’un passage. Le claustrophobe dirait un enfer, un passage d’enfer, un passage éphémère.
Depuis le début de cette gestation programmée, je me suis aperçu que je n’étais pas seul, ici les embryons sont nombreux, un ventre très hospitalier, ou alors une FIV qui a été détournée, bref, il y a une foule d’embryons par ici.

Ou alors, ou alors, je ne sais pas, c’est une ruche très fréquentée et nous ne sommes que des futures ouvrières, toutes alignées.
Hum! Je ferme les yeux, et je suis seul dans le grand bleu, d’ailleurs je lève les yeux (oui, faites un effort, je peux parfaitement fermer les yeux tout en les levant) et j’entrevois un liquide tout bleu, cela doit être çà le liquide amniotique.

En revanche, côté cordon, c’est carrément l’émancipation, une nouvelle génération, après le bébé éprouvette, le bébé autodépendant…de là à imaginer une génération spontanée, il faudra se référer au manuel d’histoire dans quelques années
Ah! C’est dingue, mais j’y pense là, bêtement, je suis dans une gestation programmée qui ne peut pas être prématurée. 20mn c’est 20 mn.
Pire, le seul évènement qui puisse m’arriver en termes de terme (vous suivez), c’est de ne pas naître à terme, être postmaturé. J’espère n’être jamais dans ce cas de figure, pour être plus précis, j’espère naître jamais dans ce cas de figure. De toute façon, tout cela n’est à prendre qu’au figuré, vous l’avez compris.

Je souris!
Vi, un embryon qui sourit, c’est du bonheur pour la vie.
Je souris donc! Je viens de rêver que nous sommes entrées en gestation pour 20mn avec une maman elle même enceinte! T’imagine, çà fait double embryon (pas double emploi). Bon d’accord c’est tiré par les cheveux, mais quand même, je vous jure, en y réfléchissant, c’est un peu comme les poupées russes.
Ah! Vous voyez, de suite, vous êtes plus dans mon histoire.
J’aurai pu vous faire le coup de l’échographie, allez, puisque vous me le demandez si gentiment.
Donc, au-dessus ne nos têtes, circulent foules satellites, dont l’un baptisé « materspot » qui circule en géostationnaire. Et donc le « materspot » prend toutes sortes de clichés, mais surtout, sous la houlette de l’équipe du professeur Patercheck, les clichés baptisés hysterographies, une forme ultramoderne des échographies.
L’usage était maintenant très répandu. Il suffisait d’être chez soi, connecté sur un PC en wifi, de s’identifier sur le site www.materspot.patercheck.org, et automatiquement le satellite « materspot » localisait le pc, hysterographiait la personne qui se trouvait devant l’écran en cours de connexion, analysait l’image numérique et retournait sur votre PC l’image numérique en quadrichromie et en 3D sur un écran 2D: L’imagerie de votre bébé.
On n’arrête pas le progrès, d’ailleurs j’ai fait moi-même l’essai, mais vu que je suis un homme le diagnostic m’a été fatal et sans appel, « pathologie inconnue de père inconnu ». Je n’ai plus jamais recommencé, j’ai eu peur. Il parait même qu’il y a des satellites militaires encore plus performants. Ce sont des rumeurs, mais sait-on jamais!
La rumeur dit que ces satellites ultra perfectionnés peuvent faire une hysterographie des testicules, dans le jargon ce serait une scrotographie. Scrotographie, scrotographie, scrogneugneu oui!
Du coup, j’ai revendu mon PC wifi pour éviter tout malentendu, (vu que je m’étais connecté sur masterspot, que mon IP était répertorié comme père inconnu, avec les grandes oreilles, on ne sait jamais).
Enfin vous comprenez, je n’avais pas vraiment envie que la cartographie de ma descendance virtuelle soit scrotographiée à mon insu.

Revenons au satellite « masterspot »… L’équipe du docteur Patercheck avait étendu le service à toute vie embryonnaire sur terre. C’est ainsi qu’en ce moment, à 25 km sous terre, nous étions hysterographiés.
Cela permettait à l’équipe du docteur Patercheck de constituer une base de données du vivant. L’équipe avait mis en évidence que l’utérus virtuel placé à 25 km sous terre avec des individus adultes circulant dans le dit utérus simulait parfaitement une hysterographie naturelle à la surface de la terre. En d’autres termes, nous étions isomorphes à des embryons.
CQFD pour ceux qui en doutaient encore, mon histoire tient parfaitement debout. Depuis le début je vous explique que je suis comme un bébé au fond de mon siège.
Tiens, le soleil m’éblouit, l’accouchement a eu lieu sans douleur, une arrivée par le siège.

Goblin, lutin hystérographe.

* Entre Douvres et Calais, l’eurostar met approximativement 20 minutes pour traverser.

 

Dis moi

miro-danseuse
Miró – Danseuse

Dis moi les mots qui s’envolent comme des bulles de savon,
Ceux qui s’affichent d’un air trognon.

Dis moi les mots tendres du coeur,
Ceux qui parlent de couleur.

Dis moi les mots aux reflets indigo,
Ceux qui chantent comme les jets d’eau.

Dis moi les mots enrubannés comme des cadeaux,
Ceux qui frisonnent à fleur de peau.

Dis moi les silences comme des absences,
Ceux qui exacerbent tous mes sens.

Dis moi les mots simples et doux,
Ceux qui se chuchotent dans le cou.

Secrets de polichinelle

polichinelle

 

Ce matin, j’attendais dans la salle d’attente. En fait, j’ai horreur d’attendre… Alors je suis allé prendre un crème au bar d’à côté.
Je me suis installé très confortablement sur un tabouret spartiate et une vaste table de bistrot aussi large qu’une assiette à pizza, un endroit rêvé pour plus d’une heure d’attente Grrrrrrrr !
Pendant que je consommais avec une gourmandise certaine ce café crème (Oui, t’étais pas encore là quand j’ai commandé un grand crème), Mmmhmm ! Cafe di Roma (j’te jure à la gare du Nord !), un rayon de soleil comme sur la lagune !, bref ! une jeune femme s’est installée tout à côté.
Belle, elle resplendissait de beauté, quelque chose d’indéfinissable émanait de cette personne, comme une aura céleste. Elle a commandé un crème et croissant… Le serveur a apporté la commande et a demandé le règlement de l’addition sur le champ.
Elle a du se lever pour accéder à son porte-monnaie, et là, quand elle s’est penchée en avant, une rondeur s’est révélée, juste à peine, une ceinture large et discrète soulignait cette rondeur que je n’avais même pas remarquée, si ce n’est cet air céleste qui sied si bien aux jeunes femmes qui porte la vie.
Elle régla et son regard périphérique sous ses lunettes croisa le mien… Un sourire au coin des yeux gardien d’un secret de vie.
A quoi pensait-elle ?
A ce moment doux qui devait dater tout au plus d’une vingtaine de semaine, un instant de plaisir intense, un moment magique où elle avait décidé de jouer avec les dieux, donner la vie avec l’homme de sa vie.
Non, c’était tout autre chose, un instant de connivence, un secret discret partagé avec l’inconnu de la table d’à côté.
Non, un sentiment de plénitude avec cet air simple et supérieur de la futur mère qui seule sait, ressent, voyage et vit un rêve imaginaire tellement présent.
Oui, c’était çà.
Timidement, passé cette seconde suspensive, je lui fait
« çà fait combien ? ».
Pris hors de son contexte, cette simple question semble tellement incongrue ! T’imagine, la même question à la jeune fille trois tables plus loin ! Mais là non, son sourire devient lumineux et elle me répondit :
« 6 mois tout juste ».
J’enchaîne :
« c’est un premier ?» ;
« non, c’est le deuxième ! ».
« Félicitations ! ».
« Votre premier est un garçon »
« oui » fit-elle avec un air surpris.Enfin ! Statistiquement j’avais une chance sur deux, çà fait peu et beaucoup à la fois (t’es pas obligé de rappeler des lieux communs).
« Et pour le second, vous avez une préférence ? »
« Hum ! Oui, plutôt une filleeeeeeeeee ! » Je souris (il parait qu’au second, ce n’est plus une chance sur deux, je ne suis pas statisticien, mais le premier étant un garçon, je ne me risquerais pas, mais déjà, la probabilité diminue, c’est entre nous, elle a l’air tellement ravie à l’idée…).
« Et le prénom, vous avez déjà choisi ? »
« Oui » fit-elle entre deux bouchées de croissant,
« ce sera Domitille », un air plus que satisfait au coin des lèvres, une certitude.
« C’est très joli comme prénom, nous avons failli appeler ma benjamine comme çà ! » Puis j’ajoute
« et si c’est un garçon ? ». Elle manqua laisser tomber la dernière bouchée de son croissant, visiblement, l’idée la contrariait :
« Euh ! Ce n’est pas encore fixé, mais cela pourrait être Timothée, enfin, on verra bien » Bon, là je ne vais pas lui faire remarquer, mais juste entre nous, c’était aussi le prénom de ma benjamine au cas où elle aurait été de sexe masculin,(tu me fais, ce n’aurait pas été une benjamine mais un benjamin, là t’exagère, comment veux-tu que je t’explique les choses aussi simples) mais là, çà va faire trop, tu ne crois pas, je vais rien ajouter.

Quand même, c’est étonnant ces coïncidences, et puis là, quand même, çà fait pas une chance sur deux !!!

Mais je ne sais pas, une chance sur 1 millions que l’on ait choisi des prénoms identiques…
« Je lui fais et vous voulez savoir ? »
« Savoir quoi ? » me fait-elle interrogative
« Si c’est un garçon »
« Je préfère garder la surprise de l’arrivée d’une fille » répondit-elle malicieusement.
Je lui réponds,
« je peux vous le diagnostiquer, là maintenant ».
Elle me regarde comme un illuminé, les yeux écarquillés, incrédule et ironique :
« ah ! Bon, je voudrais bien voir çà ! »
« Si,si, je vous assure, avec ma montre, je vous le diagnostique avec certitude ».
La curiosité cille à peine au bout de son nez, puis elle finit par lâcher :
« Alors là, c’est la première fois que j’entends çà, chiche » fait-elle
Bien, je me suis un peu avancé, il faudrait une montre gousset, vous savez, le genre Tournesol, mais là, je n’ai rien de tel !
Et son regard insiste avec un air « j’attends de voir », (tu vois ce que je veux dire)
Je gamberge à la vitesse de la lumière (oui, oui, je suis très rapide parfois)… Je défais ma montre bracelet puis je fouille dans mon sac à la recherche de ma souris.
Sous ses yeux ébahis, je fabrique un pendule, avec ma montre accrochée au fil de la souris !
Là, elle s’esclaffe sans retenue, enfin, je crois même qu’elle s’esclaffe avec retenue, c’est te dire son état d’esprit à mon endroit.
Je lui fais :
« Je peux poser ma main, juste là ».
Elle hésite, puis répond par l’affirmative. (Là aussi, la jeune fille trois tables plus loin, de dos, si je lui fais, je peux mettre la main, juste là, je m’en prends une cinglante, tu crois pas !)
« Je pose ma main, sur le côté droit (vi, je suis placé à gauche, c’est pas une recette de cuisine non plus !), et j’attends à peine ».
J’adore les ventres ronds des jolies jeunes femmes, c’est comme une envie irrésistible, si je m’écoutais, je serai un dompteur de ventre rond, un funambule léger au-dessus des ventres arrondis…
« Ah ! » me fit-elle
« elle a bougé ».
J’approche alors mon pendule improvisé, (tu sais, avec ma montre et ma souris). D’ailleurs, après l’esclaffement du début succède une gêne de l’inhabituel, là, au fond du bar, je crois qu’elle regrette vraiment d’avoir accepté et elle se glisserait volontiers dans un trou de souris !
Le pendule ne bouge pas d’un degré.
Du coup, elle reprend contenance en se moquant :
« Pffffffffffff !!! C’est n’importe quoi votre truc ! »
Je réponds :
« Mais non, il faut un peu de temps, vous êtes trop impatiente »
Et puis soudain, sans rien dire (t’imagine toujours la cocasserie de la situation, je me demande encore pourquoi t’es là en train de regarder), mon pendule, je veux dire ma montre accrochée au fil de ma mini-souris que je tiens dans la main au-dessus de ce ventre prometteur, mon pendule donc se met à osciller.
Elle me dit
« alors ? », une étincelle au fond des yeux.
« Ah ! Voyez, vous commencez à y croire ».
« Euh ! Oui, enfin, çà bouge alors… »
« Donc dès que çà bouge, vous croyez aux choses…de la vie »
« Çà dépend des circonstances » lâche-elle, un air sous-entendu. (Et toi, t’avais des sous-entendus aussi… Euh ! je ne suis pas obligé de tout écrire, çà ferait un roman).
« Patience, il faut que le mouvement se stabilise ».
Quelques secondes plus tard, une éternité pour la jeune femme, le pendule improvisé se balançait régulièrement comme un métronome de droite à gauche puis de gauche à droite.
« Alors ? »
Si tu ne le sais pas encore, je te le glisse au creux de l’oreille, si le pendule dit vrai, et il dit vrai, ce sera un garçon, mais comment lui dire, …

c’est malin, on n’a pas idée aussi. D’accord d’accord, mais tout à l’heure, c’était une chance sur deux, avoue quand même que statistiquement… Tu me rétorques, Nan, nan, t’as déjà oublié ! Toi-même tu nous a dis que vu le sexe de son premier enfant, c’était beaucoup moins qu’une chance sur deux. Ah ! Vi ! je vois qu’il y en a un qui suit…(ou une, je ne sais pas).
La jeune femme piaffe visiblement, ostensiblement…
Je lui indique avec beaucoup de conditionnel que cela pourrait être un garçon, un petit « Timothée ».
Puis j’ajoute,
« vous savez, çà fait longtemps que je n’ai pas pratiqué, et puis le pendule improvisé n’est pas vraiment adapté, j’ai une chance sur deux de me tromper ». Chutttttttttt !!! Tu n’es pas obligé dans rajouter dans mon dos.
Elle sourit, un brin pincé.
« J’ai trois mois pour me faire à votre idée, et puis si çà se trouve, ce sera bel et bien une fille ! »
« Hum ! À cette idée comme Timothée ou à une fille comme Domitille »
Elle sourit vraiment, l’annonce vient d’être faite pour un embarquement imminent.
Elle se lève me glisse un « au revoir », et quitte la table avec son secret, un allure céleste dans ces pas !

PS : C’est sûr c’est un garçon, je ne me suis jamais trompé… Aucun hasard, je ne consulte que sur rendez-vous céleste pour des rendez-vous magiques, simplement comme un funambule, toucher les futures étoiles dans un cocon en forme de ballon.