Une rencontre

Ce soir, j’ai fait une rencontre !

Dans le metro de l’après boulot, Gare du Nord je prends la ligne N°4 pour Montparnasse.
Il ne fait pas encore très tard, le soleil est couché depuis longtemps et les rames passent désormais toutes les cinq minutes.

Il est 9h passé et je n’ai pas de montre, avec le décalage d’une heure, je ne sais plus.

Je m’installe dans le wagon de queue, vi, la ligne 4, je la connais un peu, c’est celle de ma gare Montparnasse, et pour gagner du temps à la sortie vers les « Grandes lignes », la toute dernière voiture s’arrête en face du couloir qui t’emmènera vers les « Grandes lignes », c’est celle que je prends pour grappiller les 2 minutes qui me permettront d’attraper le dernier TGV du soir.

Je ne sais pas pourquoi, cela s’appelle « Grandes lignes ». Il faudrait qu’il y ait des « Petites lignes », mais je n’ai jamais entendu ce vocable. Alors, petites, grandes…

Cela doit être un penchant de la SNCF pour voir les petites choses en grand! J’ai été « Grand voyageur », je ne sais pas pourquoi, mais un jour, j’ai reçu la carte « Grand voyageur ». La carte était sensée apportée de « Grands » avantages. J’ai cumulé des points pendant deux ans. Un beau jour du mois d’août, j’ai reçu un courrier comme quoi je n’avais pas renouvelé ma carte « Grand voyageur », du coup j’ai perdu les avantages gagnés sans jamais avoir compris leur utilité.

Je suis donc maintenant un « petit » voyageur.

Voyageur du soir, dans une rame de la ligne 4, en face de moi, une dame attire mon regard.

Elle est.

Elle est un peu comme une image pieuse au milieu d’une collection « Panini ».

Avec ses chaussures confortables, genre bottine basse en nubuck anthracite.

Avec ses collants noirs opaques.

Avec sa jupe longue, asymétrique et tout aussi noire d’encre.

Avec son manteau 100% laine vierge de mouton noir cérémonie, et long aussi.

Avec un foulard de soie noir au motif discret de soleils brodés.

Avec un second foulard savamment noué qui se fond comme l’envers du premier, tout aussi noir avec de larges fleurs très rose.

Elle a un air d’ailleurs.

D’ailleurs, sa chevelure tranche, d’une blondeur éclatante, nordique, presque blanche.

Et un visage qui ne compte plus les ans, comme une enveloppe sans âge.

Un rouge à lèvre très dessiné souligne sa bouche et rappelle un esprit jeune et vif.

Elle s’accroche à droite à la main courante, et de l’autre s’appuie sur sa valise Samsonite noire.

Elle est distinguée, avec un port de tête fier et altier.

Avec son regard vert et pâle, sans fard, elle jette des coups d’oeil furtifs, à droite à gauche.

J’ai dû mal à croiser son regard.

Son visage est fin pas tout à fait rempli.

Ses mains nues sont comme enveloppées dans des gants trop grands et usagés, plissés, et attestent si besoin était de son âge d’aïeule.

Elle est.

Ce soir j’ai rencontré Françoise Sagan, un sourire au fond de l’âme.

Elle est.

À Odéon, une belle s’en est allée.

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