Dimension N4

Crédit photo : Usine Du Gol à la Réunion

 

Départ pour un week-end dans la région Grand Est.

La recomposition des régions a concouru à un baptême de nom de région sans saveur.

Nous voilà donc en route pour le Grand Est.

Grand, c’est un voyage qui de suite prend une importance agrandie, comme une promesse de démesure.

J’imagine déjà les trappeurs, la neige du Grand Nord, le traineau et leurs chiens, une épopée sauvage.

La météo annonce un épisode neigeux. Un épisode, cela m’évoque plutôt une série télévisée, un feuilleton en bon français du siècle dernier.  Un épisode neigeux, je me vois vraiment dans le grand Nord, avec son lot d’aventures rudes.

Il fait nuit, le trajet jusqu’en Ile de France a été une formalité. Au passage, encore un nom de région tout aussi curieux. As-tu jamais vu une île au beau milieu de la France.

Waze nous déroute de la route habituelle, celle qui nous faisait user et abuser de l’autoroute.

Je présume qu’il a analysé la météo, les réseaux sociaux, la vitesse du vent, la vitesse moyenne du véhicule moyen au beau milieu de la terre champenoise.

Je me laisse convaincre et j’emprunte la nationale 4. N4, cette nationale qui draine au long de la journée une cohorte interminable de poids lourds, telle une colonie de fourmis affairées. C’est bientôt le week-end, ils ne devraient pas être si nombreux.

Il faut être vigilant sur le compteur de vitesse, une gageure comparée à un trajet sur autoroute, une torture des yeux où il faut capter le moindre panneau de limitation de vitesse pour l’adopter aussitôt.

Wow, mais c’est qu’il neige !

Nous n’avons pas encore pénétré le territoire du Grand Est que déjà nous sommes sous une averse de neige et de grêle mêlée.

Il fait nuit noire, si cet « épisode » se transforme en long métrage, nous allons devoir nous poser dans un hôtel de fortune.

Adapter sa vitesse, observer la tenue du voile blanc sur la chaussée, évaluer le reste du parcours à couvrir.

Le début de l’aventure.

Et puis non, la notion d’épisode prend tout son sens car la chute de neige cesse aussi vite qu’elle était apparue.

Nous poursuivons tel un convoi de chenilles processionnaires, à la queue leu leu, en suivant moult poids lourds qu’il est inutile de dépasser car même en cette fin de semaine, ils sont encore nombreux.

Caler le régulateur sur le poids lourd qui précède, juste à bonne distance pour ne pas se faire asperger de neige fondue, plutôt une mélasse faite de saumure aqueuse, de résidus de gomme noirâtre, de poussières de bitume…

Je ne sais pas où vont tous ces véhicules, un air de pèlerinage, une course sans fin vers un lieu mystérieux.

Nous roulons vers une terre inconnue

Soudain, sorti de nulle part, une apparition extraterrestre. Dans la nuit noire, une lumière diffuse et gigantesque.

Nous avons suivi une cohorte mécaniquement et nous venons de changer de dimension c’est sûr.

C’est un halo phosphorescent, presque inquiétant et tellement géant !

Nous nous approchons, comme attirés inexorablement par cette lumière, sans raison, nous y allons, sans savoir, sans aucune volonté, un état EMI.

Au fur et à mesure que nous approchons, l’intensité se fait plus forte, c’est une véritable forêt de réverbère, non de projecteurs, le stade de France puissance 10.

Comme la brume enveloppe cette enveloppe indéfinissable, cela donne à l’ensemble un air de dragon surréaliste, une bête fauve titanesque.

Cette nébulosité est amplifiée par des fumerolles multiples, ce n’est pas un dragon, ce sont bien dix dragons colossaux qui se dressent devant nous.

Nous allons être avalés inéluctablement, nous sommes comme « aimantés » au poids lourd qui nous précède et nous y allons tout droit, il nous aspire.

Ce n’est pas la peur qui s’impose, non, c’est la surprise.

Nous ne sommes plus qu’à une centaine de mètres désormais, et malgré la brumaille, nous distinguons des mâchoires en tous sens qui semblent mastiquer en continu une nourriture invisible.

Plus que 50 mètres et nous allons disparaitre dans cette autre dimension, nous y allons, sans résistance aucune.

Les têtes de dragons ressemblent désormais à une forêt de cheminées.

Puis plus rien.

C’est beau, l’usine la nuit.

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